Jolie piqûre de rappel au Tupungato

4 février, midi. J’approche du camp 2, situé à un peu plus de 5700 mètres d’altitude ; j’ai la face du Tupungato devant moi depuis un moment. Le sommet semble à portée de main. Le temps est magnifique et devrait le rester pour deux jours : comment pourrait-il nous échapper ? Nous avons été bloqués par le vent  une journée au camp 1, c’est bien suffisant à notre goût !

5 février, 6h du matin. Par un froid vif, nous entamons l’ascension finale. Malgré des chaussures qualifiées de hautement thermiques, j’ai froid aux pieds. Nous évoluons dans l’ombre par une aletrnance de passages rocheux et neigeux. L’onglée se fait également sentir. A la sortie de la face qui domine le camp 2, où nous trouvons le soleil, je sors l’équipement ‘tout duvet’ : un vent froid, 50km/h de face, gêne notre progression. Il faut se concentrer, rentrer dans une bulle et prendre les étapes vers l’objectif les unes après les autres. Des pentes neigeuses d’inclinaison moyenne, un ressaut, puis le sommet nord qui ressemble à un piton rocheux. Il s’aborde par une sente en zig-zags, toujours bien exposée au vent. Il faut trouver un rythme, oublier les désagréments que l’on sent dans son organisme ou encore la raison qui vous dit qu’elle serait mieux à la plage. Monter, encore et toujours. Sommet nord : l’altimètre marque 6500 mètres. Est-ce le sommet le plus haut ? Après une hésitation (!), le guide désigne un autre promontoire neigeux, quelques centaines de mètres plus loin au bout d’une crête. Toujours face au vent, nous franchissons une butte, marquons une grande descente puis remontons une longue pente en s’arrêtant régulièrement pour souffler, ou plutôt haleter. Après les derniers mètres, couverts allègrement grâce à une poussée d’adrénaline et une pente qui s’adoucit, vers 10h30, c’est le sommet principal ! La cumbre ! Tupungato ! 6570m ! Tous seuls pour profiter de la montagne, quelle chance ! Le temps est magnifique. Au loin, tout autour, les sommets enneigés des Andes dont le seigneur des lieux, l’Aconcagua qui nous dévoile sa face sud.

Cette journée couronne une expédition de treize jours, soit une durée relativement courte pour un sommet d’une telle altitude. La marche d’approche a été rapide (de 2130 à 4400m en deux jours) et s’est accomplie en remontant des vallées s’imbriquant les unes dans les autres, formant un véritable labyrinthe. Dans un décor minéral, des couleurs de roches chaudes et variées, des phénomènes géologiques spectaculaires et une lumière transparente. A partir du camp de base s’enchaînèrent des journées de portage au camp supérieur suivies de nuits au camp inférieur, pour favoriser une bonne acclimatation à l’altitude. Les champs de pénitents étaient particulièrement spectaculaires (voir article par ailleurs).

Cette aventure au Tupungato représente une véritable expédition avec ce que cela signifie en termes d’altitude, de conditions météo (vent, froid), de portage au-dessus du camp de base et d’inconfort. Avec l’Aconcagua, un peu plus haut (6959m) mais vraiment rébarbatif (opinion très personnelle mais partagée par beaucoup), ces hauts sommets sud-américains constituent une piqûre de rappel pour les ‘accros à l’altitude’ ou un bon apprentissage avant de prendre plus au sérieux encore les expéditions himalayennes qui s’inscrivent sur une durée plus longue, comprennent une marche d’approche plus exigeante et surtout passent beaucoup plus de temps sur la neige (d’où camping sur neige, fonte de la neige pour obtenir de l’eau, réveils ‘délicats’…). Rendez-vous en avril au Cholatse !

Pour les anecdotes du Tupungato, pêle-mêle (n’hésitez pas à m’indiquer votre préférée) :

  1. Des provisions laissées au camp 1 ont été attaquées par des oiseaux non identifiés, puisque nous n’en avons vu aucun de notre séjour. Des sacs ont été déchiquetés à coups de bec, les produits éparpillés sur un périmètre d’un rayon d’une dizaine de mètres avec une nette préférence pour les produits sans gluten (mais sans chocolat).
  2. Une erreur d’orientation du guide (malgré carte et GPS!) nous emmena lors de la marche d’approche loin dans une vallée étrangère, ce qui laissa envisager un bivouac improvisé (sans tentes, sacs de couchage et nourriture, portés par les mules). Notre muletier est finalement apparu à propos, venu voir où nous nous étions perdus. Il rigolait bien. Moi, un peu moins: 4h de détour et un bain forcé scabreux dans un torrent vigoureux, avec de l’eau jusqu’aux hanches…
  3. Le ‘livre d’or’ du sommet est conservé dans une boîte métallique estampillée ‘Banco de Chile’. A quand le nom d’une grande banque française au sommet du Mont-Blanc? La course et les propositions sont ouvertes!
  4. Une inondation fulgurante (une heure de temps) des deux tentes du camp 2 nous a surpris. Tentes devenues piscine une nuit et entourées d’une patinoire le lendemain matin; outre les désagréments évidents occasionnés, il fallut deux heures pour déterrer les piquets et arceaux, enterrés sous plusieurs centimètres de glace.
  5. La faible présence de neige peut laisser penser qu’un sommet de 6500m sud-américain est moins froid qu’un autre sommet d’une telle altitude, surtout compte tenu d’un tel ensoleillement. Ne rêvons pas, on ne monte pas encore à 6500m en maillot de bain, fut-il en fibre polaire et/ou Gore-Tex.
  6. Tous les camps étaient très bien ensoleillés, le camp 2 remportant la palme et favorisant une vie de patachon: jamais levés avant le soleil (8h) ni couchés après (20h45)!
  7. La météo n’a (évidemment) pas été très fiable. Quand on obtenait une prévision de vent, mieux valait la multiplier par trois voire quatre pour s’approcher de la réalité. Accrochez-vous à votre bonnet!
  8. Nous avons brassé une quantité invraisemblable de poussière jusqu’au dessus du camp de base. Allergiques, s’abstenir. Sacs Vuitton (portés par les mules) déconseillés sauf à changer de couleur gratis et lancer une nouvelle mode pour la prochaine saison. Sacs à passer dans le torrent avant de rentrer à l’hôtel sous peine de s’en voir refuser l’entrée (hôtels en général d’assez bon standing, pour le repos mérité de l’alpiniste fatigué). Et si l’eau enlève cette poussière, bien sûr, elle ne vous rend pas votre appareil photo dont l’objectif s’est grippé et ne veut plus rien savoir…

En conclusion : Avec ce joli sommet, je suis ravie d’avoir débloqué le compteur 2011 des sommets. Un don a été fait à l’Association ‘A chacun son Everest’, identifié au Tupungato : peut-être m’a-t-il porté chance ? Alors, à qui le Rwenzori (‘les montagnes de la lune) ?

 La marche d’approche

01-Approche
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07-approche
08-approche

Camp de base et alentours

10-CampBase

11-campBase 12-CampBase
13-SommetDepuisCB
L’érosion

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Les pénitents (et le Tupungato sur la première image)

19-TupungatoPenitents 20-Penitents 21-Penitents

22-Pénitents

La montée en altitude (camp 1 puis camp 2)

22-VersCamp1
24-Camp1

26-VersCamp2 28-Camp2

Jour du sommet

 

30-LeverSoleilSummitDay 31-LeverSoleilSummitDay

32-SummitDay 33-SummitDay 34-Sommet

35-DescenteSommet 36-DescenteSommet

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