Du rêve en terres australes

Minuit et deux minutes, le 31 décembre 2010, ou plutôt le 1er janvier 2011. Après avoir rapidement avalé une coupe de champagne, je m’affale dans la cabine, victime du MAM : non, pas le Mal Aigu des Montagnes, mais le Mal Aigu des Mers (ou Mauvaise Acclimatation à la Mer ?). Notre semi-circumnavigation du continent antarctique, partie de Stanley aux Malouines, achève sa route (7182 miles nautiques, multipliez par 1,6 pour les kilomètres) et progresse plein nord vers Hobart en Tasmanie. Nous traversons les 60èmes glapissants, puis les 50èmes hurlants, puis les 40èmes rugissants : c’est dire… Le point le plus au sud atteint par notre brise-glace russe (opéré par une agence américaine) s’est établi à 78° ; mais les 70èmes étant couverts de glace, la mer y est presque totalement plate: un vrai bonheur. J’adore la glace…

Derrière nous, un mois passé hors du temps, hors du monde. Des paysages de terre et de mer couvertes de glace, aux dimensions continentales. Le paradis des superlatifs : un désert polaire, le record mondial de froid (-89°C), des vents catabatiques (>300km/h), le plus haut continent au monde (moyenne 2300m), une plate-forme de glace flottante grande comme la France… Un environnement unique, protégé par un traité bannissant toutes activités autres que scientifique et, dans une mesure très limitée, touristique.

Dans ce contexte très spécifique, la vie est bien présente. Des manchots et des oiseaux viennent l’été se reproduire. Des phoques mettent bas sur la banquise et élèvent les jeunes. Des baleines viennent de l’hémisphère nord se nourrir dans les eaux spécialement riches en nutriments qui entourent l’Antarctique. Quel spectacle lors des débarquements en zodiac sur le continent ou à pied sur la mer gelée !

En faits marquants :

• les huit changements d’heure, consistant à reculer sa montre d’une heure au fur et à mesure du passage des fuseaux horaires vers l’ouest ; la cerise sur le gâteau a été la perte d’une journée: nous sommes passés directement du 18 au 20 décembre, tant pis pour ceux qui avaient leur anniversaire le 19!
• la visite des cabanes où les explorateurs ont hiverné pendant plusieurs mois dans les conditions les plus hostiles de la planète avant, pour certains, de s’engager dans la course au pôle sud finalement gagnée par Amundsen en décembre 1911 ;

Cabane de Shakelton sur l’île de Ross, utilisée en 1907-1909 (expédition Nimrod)

• La matinée passée à Neko Harbour, par très beau temps, pour une colonie de manchots papous dans une baie entourée de montagnes, absolument grandiose ;

• Une excursion en zodiac à Pleneau Bay autour d’icebergs sous un franc soleil en faisant ressortir les multiples nuances bleutées ;

• La formidable barrière de Ross, qui étend sur près de 800 kilomètres un front de 300 à 500m de haut (dont le dixième dépasse le niveau de la mer) et sur laquelle nous avons pris pied puis bu une coupe de champagne – il fallait bien fêter l’événement ;

• Les heures sur le pont ou à l’avant du bateau, à admirer le bateau se frayer une route dans une glace parfois omniprésente et bien compacte ;

• Les icebergs : pas un ne ressemble à son voisin et la lumière joue sur leurs différentes facettes pour en faire varier les teintes ;

• Le jour continu, 24h durant, observé à 2h du matin avec le bateau posé sur la mer gelée au pied du volcan actif de l’Erebus ;

• Les orques et léopards de mer patrouillant dans l’eau au bord des colonies de manchots, lorgnant sur un égaré pour pouvoir déjeuner ;

• Les manchots Adélie plongeant, nageant et bondissant hors de l’eau à Cap Adare ;

• L’île de de MacQuarie, ses colonies de king penguins et ses éléphants de mer ;

• Les manchots empereurs et leurs jeunes à Cape Washington, respectivement fascinants et totalement craquants. Le film « la marche de l’empereur » en vrai, en 3D et en direct : 300% magique !

C’était comme un immense et incroyable tour de manège. Qui nous a tant éblouis et comblés que nous ne pensons pas (encore ?) à en redemander…

Quoique…

En attendant, pour d’autres photos, n’hésitez pas à consulter l’album « Antarctica 2010 ». Enjoy !